Emprisonné en Algérie depuis le 16 novembre 2024 et condamné à une peine de cinq ans de prison, Boualem Sansal n’en est pas moins porté au cénacle de la littérature. L’écrivain de 80 ans, qui souffre d’un cancer et qui est embastillé dans des conditions inhumaines par le régime d’Alger, vient de se voir attribuer, ce mercredi matin à 8 heures, par l’Institut de France, le Prix mondial Cino Del Duca, assorti d’une dotation de 200.000 euros. «C’est l’une des plus grandes récompenses littéraires financée par la Fondation Simone et Cino Del Duca avec l’Institut de France, et l’une des plus dotées, juste derrière le Prix Nobel de littérature, 200.000 €», explique Le Figaro.
Créé par la femme d’affaires française Simone Del Duca en 1969, soit deux années après la mort de son mari Cino, grand éditeur et patron de presse italien, ce prix vient couronner la carrière d’un auteur français ou étranger dont «l’œuvre constitue, sous forme scientifique ou littéraire, un message d’humanisme moderne», explique un communiqué relayé par Le Figaro.
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Parmi les précédents lauréats de ce prestigieux prix, on compte aussi l’écrivain algérien et grand ami de Boualem Sansal, Kamel Daoud qui a rejoint le palmarès en 2019, succédant à de grands noms de la littérature qui ont marqué leur temps tels que Patrick Modiano, Mona Ozouf, Andreï Makine, Yasmina Reza, Haruki Murakami, Joyce Carol Oates, ou encore Jean Anouilh, Léopold Sédar Senghor, Jorge Luis Borges, Milan Kundera, Mario Vargas Llosa, Ismaïl Kadaré… Nombre de ces écrivains ont aussi reçu le prix Nobel de littérature.
La symbolique de ce prix est d’autant plus forte que le jury qui le remet est composé d’éminentes personnalités, dont douze membres de l’Institut de France, à savoir Dominique Bona, Daniel Rondeau, Sylviane Agacinski, Michel Zink, Jean-Noël Robert, Bernard Meunier, Patrick Flandrin, Muriel Mayette-Holtz, Adrien Goetz, Rémi Brague, Pierre Brunel, Nicolas Baverez et Claudie Haigneré.
Présidé par l’écrivain libanais Amin Maalouf, également secrétaire perpétuel de l’Académie française, le jury a rendu hommage à Boualem Sansal, à sa «parole libre, profondément humaniste et résolument nécessaire». Expliquant que les trois arguments majeurs qui ont motivé le choix de récompenser l’écrivain franco-algérien sont la littérature, la liberté et l’engagement, le jury a par ailleurs rappelé son attachement à la liberté de création et de publication, à la protection de la vie culturelle et du débat intellectuel.
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Dans ce communiqué, il est ainsi expliqué que «ce prix rend hommage à la force d’un écrivain qui, par-delà les frontières et les censures, continue de faire entendre une parole libre, profondément humaniste et résolument nécessaire». Et d’ajouter que ce «romancier majeur de la scène francophone (…) s’est imposé au fil des années comme une voix incontournable de la littérature contemporaine», saluant au passage le «courage rare» et la «plume d’une grande élégance» de Boualem Sansal dont l’œuvre «traduit son engagement indéfectible envers notre langue commune et les valeurs qu’elle porte».
Une récompense que le régime algérien risque fort de ne pas apprécier, alors que Boualem Sansal cristallise les tensions entre l’Algérie et la France mais aussi avec le Maroc. En effet, l’écrivain qui purge une peine de cinq ans de prison ferme, assortie d’une amende de 500.000 dinars, a été accusé d’«atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, pratiques de nature à nuire à l’économie nationale et détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays», après avoir accordé une interview à la chaîne Youtube française Frontières dans laquelle celui-ci évoquait les amputations territoriales, documentées par tous les historiens sérieux, subies par le Maroc au profit de l’Algérie.