Mosquée Bleue, avenue Taksim, Sainte-Sophie, Sultanahmet, Tour de Galata... Si pour vous c‘est à ça que se résume Istanbul, laissez-moi vous en dévoiler une autre facette, différente, mais tout aussi captivante. À cheval sur deux continents, là où l‘Europe murmure à l‘oreille de l‘Asie, Istanbul, ville-monde, attire chaque année un grand nombre de voyageurs marocains. Loin des clichés de bazars grouillants et l‘agitation du centre-ville à laquelle les touristes sont habitués sur la rive européenne, la rive asiatique d’Istanbul, elle, invite à un voyage plus doux et plus intime. Cette partie encore méconnue de la ville dévoile une Türkiye authentique, créative et profondément attachante.
En quittant les rives trépidantes de l‘Europe, c‘est un autre Istanbul qui se dévoile du côté de l‘Asie, là où la mégalopole ralentit, respire, et invite à la flânerie. Le ferry, moyen de transport favori, quitte Eminönü bercé par les vagues du détroit du Bosphore, ce trait d’union entre les deux Istanbul. Sur le pont, les mouettes tournoient, avides des miettes de Simit (bagel au sésame) lancées par les passagers. À l‘horizon, minarets et dômes effleurent le ciel tandis que l‘air salé caresse la peau tout au long de la traversée. En vingt minutes seulement, vous êtes sur un autre continent et Kadıköy, première porte d’entrée de ce nouvel Istanbul, apparait.
Au parc de Kadikoy.
À peine débarqué, le changement est saisissant. Ici, pas de grandes avenues touristiques ni de monuments clinquants mais l‘effervescence est directement palpable: vendeurs ambulants de simits, de maïs cornés et de fleurs! Le cœur du quartier vibre à travers ses terrasses animées, ses librairies et ses ruelles peintes de street art. Les étals débordants du marché ajoutent également de la couleur au décor: olives violettes luisantes, fromages parfumés, oranges séchées, autres fruits et loukoums… à côté les odeurs de poisson frais, de thé et de café s‘entremêlent.
Les chats et les chiens, amis de l‘homme, nonchalants, somnolent sur les trottoirs, indifférents aux passants. «Ici, pas de tourisme de masse… juste la vie, simple et vibrante, en côtoyant les locaux, les vraies familles stambouliotes», ne cesse de répéter Akin, notre guide.
Non loin de Kadiköy, l‘avenue Bağdat Caddesi est un petit paradis pour les amateurs de shopping. De premier abord elle pourrait nous faire penser aux rues du quartier Agdal à Rabat. Déroulée sur plusieurs centaines de mètres, elle regorge de boutiques élégantes, d’enseignes internationales et de concept-stores branchés. Et ici tous les budgets sont servis. «C‘est l‘un des spots préférés des habitants pour flâner et refaire leur garde-robe, dans une atmosphère détendue loin de l‘agitation des grands bazars», mentionne le guide.
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Le quartier Kuzguncuk renvoie une énergie semblable à celle de la rue du Mexique à Tanger. On y marche en pente et y découvre une Istanbul multiculturelle, où coexistaient jadis juifs, musulmans, Grecs, Arméniens et Turcs. C‘est aussi ici que de nombreuses séries télévisées turques très populaires ont été tournées, immortalisant ses ruelles pittoresques et sa douceur de vivre. Et de tous les quartiers visités sur la rive anatolienne, Kuzguncuk est connu pour être «le quartier instagrammable» tant ses maisons anciennes en bois colorées font de bons backgrounds pour les photos des visiteurs.
À quelques pas, Üsküdar révèle un tout autre visage de la rive asiatique: plus traditionnelle et spirituelle. «Nous sommes au premier et plus ancien quartier musulman d’Istanbul, là où se trouve la Mosquée Mihrimah Sultan, dont le nom a été inspiré par la fille de Solimane le magnifique, et qui signifie ‘lune et soleil’», explique Akin. Cette mosquée est l‘un des nombreux chefs-d‘œuvre du grand architecte ottoman Mimar Sinan. Sobre et modeste de l‘extérieur, l‘intérieur est à couper le souffle: de grands lustres lumineux, de la mosaïque et des vitraux appelés dans la culture arabe «qamaria». En ressortant, les visiteurs sont libres de prendre avec eux des manuels religieux ou un Coran traduit dans l‘une des nombreuses langues proposées.
Vue sur le pont intermédiaire entre les deux rives d'Istanbul à partir du jardin du Palais Beylerbeyi.
Pour rester dans le thème historique, direction le Palais Beylerbeyi. Couvrez vos chaussures avant d’y mettre les pieds pour préserver le timbre de ses sols foulés autrefois par les rois. Ici, les photos sont interdites, mais rien ne vous empêche de capturer la beauté des lieux avec vos yeux. Conçu par les «Balyan», célèbre famille d’architectes arméniens, ce palais construit sous le règne du Sultan Abdülaziz, dont la statue est érigée à l‘intérieur, mêle influences européennes, asymétrie maitrisée et détails orientaux. À l‘extérieur, son jardin ombragé, parsemé de tulipes colorées avec vue sur le Bosphore, vous plonge dans une atmosphère féerique.
Quant à la Tour de Léandre, récemment restaurée, elle est enveloppée de légendes romantiques et tragiques que l‘on peut ressentir entre ses murs en pierre. Toujours sur le Bosphore, cette structure a autrefois servi de poste de douane, de tour de défense ou encore de phare. Aujourd’hui le monument est ouvert au public. Tout en haut de la tour, de grosses jumelles sont mises à disposition des visiteurs pour une expérience incroyable, celle d’admirer les alentours de la tour. Au loin, on aperçoit la mosquée de Çamlıca aux 6 minarets, la plus grande du pays, située sur une colline, d’ailleurs visible de tout Istanbul.
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Mais, s‘il y a une destination à ne pas rater sur la rive asiatique, et peut-être la plus connue des visiteurs de la rive européenne, c‘est bien Büyükada. Véritable bulle hors du temps, l‘île est entièrement piétonne: vélos et bus électriques remplacent les moteurs de voitures bruyants. Ici, pas de fumée, que de l‘air frais et des boutiques sympas pour emporter des souvenirs dans ses valises. «Autrefois, l‘île dans laquelle nous sommes était une terre d’exil pour les princes byzantins, c‘est là d’où elle tient l‘appellation, île des princes», raconte le guide. En montant un sentier vers le monastère orthodoxe de Saint-Georges, des villas vous donnent l‘impression d’être à plage David au Maroc, tandis que la vue sur la mer de Marmara, une fois en haut, est comparable aux plus beaux panoramas du Cap Spartel ou du parc Perdicaris à Tanger.
Et si vous êtes de celles et ceux pour qui un voyage réussi passe par un ventre bien rempli, rassurez-vous, vous serez servis. Les amateurs de poisson frais vont se régaler dans de nombreux restaurants, qui sont autant de bonnes adresses. Et si un point commun est à relever entre Turcs et Marocains dans leur gastronomie: les deux sont de grands fans de viande rouge. Les bureks, ou les pides, à la viande ou végétariens, promettent de vous mettre l‘eau à la bouche. Demandez aussi la célèbre soupe aux lentilles turque, star incontestée des entrées à Istanbul, avec un gout qui se rapproche de notre Bissara nationale. Quant aux desserts, entre le riz au lait et à la cannelle, semblable à celui de notre enfance, la Künefe et la Baklava… les délices turcs sont souvent servis accompagnés d’un verre de Çay.
Moins visitée et donc plus rare sur vos fils d’actualité, la rive asiatique d’Istanbul ne cherche pas à être plus photographiée, mais profondément ressentie. Et cette Istanbul vous accompagne longtemps après votre retour au Maroc.