Trafic de diplômes: un scandale académique aux réseaux tentaculaires

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Revue de presseAu cœur d’une tourmente judiciaire, le Professeur de l’Université Ibn Zohr d’Agadir, accusé d’avoir orchestré un vaste trafic de diplômes, voit son passé ressurgir. Déjà dans le collimateur des enquêteurs en 2021, son arrestation récente à Marrakech dévoile un système de fraude institutionnalisé, mêlant clientélisme, intermédiaires et complicités silencieuses. Cet article est tiré d’une revue de presse du quotidien Al Ahdath Al Maghribia.

Le 19/05/2025 à 18h18

Placé en détention provisoire à Marrakech, pour son implication présumée dans un réseau de délivrance frauduleuse de diplômes, l’enseignant-chercheur de l’Université Ibn Zohr avait déjà éveillé, en 2021, les soupçons des enquêteurs de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ).

Après son arrestation il y a quelques jours, il a été transféré devant le Parquet de Marrakech, afin de préserver l’impartialité des procédures.

Son audition a conduit le juge d’instruction à ordonner son incarcération, rapporte le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans son édition de ce mardi 20 mai 2025.

Cette affaire, symptomatique d’un clientélisme endémique au sein de l’enseignement supérieur, met en lumière un mécanisme sophistiqué: des intermédiaires «samsars», qui recrutent des candidats en quête de titres universitaires, tandis que des rédacteurs-fantômes, surnommés les «têtes pensantes», élaborent thèses et mémoires.

Le candidat se contente de lire une introduction préparée à sa guise, parfois sous les ovations d’un jury complaisant.

À titre d’exemple, un homme d’affaires aurait acquis un doctorat sous la supervision de l’accusé, moyennant 250.000 dirhams, dont une somme dérisoire sera rétrocédée aux véritables auteurs de ce travail.

Les dysfonctionnements, longtemps étouffés par les lenteurs administratives, ont refait surface grâce à la plainte d’une collègue, une universitaire.

Pourtant, le dossier n’a abouti qu’à la faveur de l’arrestation récente, révélant un patrimoine frauduleux: des comptes bancaires opulents, des biens immobiliers à Casablanca, à Marrakech et à Agadir, ou encore un château près de Taroudant.

Son épouse, elle-même, aurait obtenu un diplôme falsifié pour exercer la profession d’avocat, tandis que des bénéficiaires occuperaient désormais des postes de responsabilité dans la justice et la police.

L’enquête a également mis en lumière les aveux d’un escroc notoire, dénommé «Al Wakaf», arrêté pour avoir soutiré des millions de dirhams, en se parant de titres universitaires fictifs, dont un prétendu doctorat américain en arbitrage international.

C’est sa collaboration qui a permis de remonter jusqu’au professeur, après la découverte de documents estampillés de sa signature lors d’une perquisition.

En toile de fond, se dessine une inquiétante stratégie de protection: l’universitaire aurait tissé des liens avec des figures de la vie politique, économique et sécuritaire, intégrant même un parti d’opposition comme coordinateur régional en vue des législatives.

Les investigations de la BNPJ laissent présager une liste de bénéficiaires étendue, incluant fonctionnaires promus, personnalités en vue ou héritiers de familles influentes.

Cette affaire, au-delà de ses retentissements médiatiques, interroge la crédibilité d’institutions académiques gangrénées par des intérêts personnels, relaie Al Ahdath Al Maghribia.

Elle nécessite l’urgence d’une réforme profonde, pour restaurer l’exigence intellectuelle et l’équité, uniques remparts contre la marchandisation du savoir.

Par Hassan Benadad
Le 19/05/2025 à 18h18