Retraites en péril: le Royaume face à l’urgence d’une réforme

Saad Zouhri

Revue de presseFace au vieillissement rapide de sa population, le Maroc voit son système de retraites vaciller. Déficits croissants, réserves financières en chute libre, pression démographique: le modèle actuel ne tient plus. Alors que l’Exécutif est censé dévoiler une réforme de grande ampleur, le pays court vers une faillite annoncée de ses caisses de retraite, avec des conséquences sociales explosives. Cet article est une revue de presse tirée du magazine Challenge.

Le 05/05/2025 à 19h07

Le dernier recensement général confirme une transition démographique accélérée, avec une hausse fulgurante du nombre de retraités, au détriment du nombre de cotisants.

Ce déséquilibre met en péril l’équilibre financier et la viabilité du système, si aucune réforme structurelle n’est engagée rapidement, indique le magazine Challenge dans une analyse dédiée.

Le paysage marocain des retraites repose sur une architecture complexe, fondée sur trois régimes publics obligatoires par répartition.

Le régime des pensions civiles, géré par la Caisse marocaine des retraites (CMR), couvre les fonctionnaires. La CNSS prend en charge les salariés du secteur privé.

Quant aux agents non titulaires de l’État, au personnel des collectivités locales et des établissements publics, ils relèvent du RCAR.

À cela, s’ajoute un régime facultatif par capitalisation, géré par la CIMR.

Ces dispositifs, aux statuts juridiques, ressources et modalités de gestion distincts, coexistent sans véritable cohérence d’ensemble.

Or, cette mécanique s’essouffle. Entre 2014 et 2024, la part des Marocains âgés de plus de 60 ans est passée de 9,4% à 13,8%, soit une hausse annuelle de 4,6%, alors que la population globale n’a progressé que de 0,85% par an.

En une décennie, le pays est passé de 3,2 à 5 millions de seniors.

Résultat, les dépenses des régimes explosent tandis que les recettes stagnent, creusant un déficit que les réserves financières peinent à contenir, écrit-on.

La situation est particulièrement critique pour la CMR, dont le déficit technique a atteint 9,8 milliards de dirhams en 2023.

Ses réserves pourraient être épuisées dès 2028. La réforme de 2016 –relèvement de l’âge de départ à 63 ans, hausse des cotisations de 20 à 28%– n’aura finalement offert qu’un répit éphémère.

Selon les projections, maintenir ce régime à flot nécessiterait une injection annuelle de 14 milliards de dirhams de fonds publics.

La CNSS suit le même chemin, avec une extinction prévue de ses réserves à l’horizon 2038.

Seul le RCAR conserve une marge de manœuvre, grâce à ses 135 milliards de dirhams de réserves qui devraient lui permettre de tenir jusqu’en 2052.

Les signaux d’alerte se multiplient, s’alarme Challenge. Le CESE, dans son rapport de juillet 2023, appelle à une réforme systémique urgente.

La Cour des comptes, en 2024, pointe des risques majeurs et presse les pouvoirs publics d’agir.

Le gouvernement lui-même a commandé une étude à un cabinet international, dont les conclusions convergent: le système est à bout de souffle.

En novembre 2024, la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, a présidé la première réunion du comité chargé de piloter cette réforme cruciale, dans le sillage de l’accord social signé en avril.

Devant les syndicats représentatifs, l’Exécutif a esquissé les grandes lignes de sa future réforme.

Parmi les leviers envisagés: le report de l’âge légal de départ à 65 ans, l’augmentation des cotisations, et une possible révision à la baisse des pensions.

À terme, l’objectif est de converger vers deux régimes de base, l’un pour le public, l’autre pour le privé, avant de les fusionner en un seul socle commun, complété par des régimes complémentaires.

Pour garantir la pérennité du modèle par répartition, une part de capitalisation deviendrait obligatoire.

Mais la route s’annonce semée d’embûches.

 

Par Nabil Ouzzane
Le 05/05/2025 à 19h07