Les autorités marocaines resserrent l’étau autour des plateformes de jeux de hasard en ligne opérant illégalement sur le territoire national.
Selon des sources concordantes citées par le quotidien Al Akhbar dans son édition du vendredi 13 juin, le Bureau des changes, en coordination avec l’Autorité nationale du renseignement financier, a ouvert une enquête sur d’importants transferts d’argent suspects effectués depuis le Maroc vers des entreprises étrangères de paris, en particulier vers la plateforme controversée 1XBET.
Les investigations ont permis de détecter d’importants mouvements financiers opérés par des agents locaux travaillant au profit de 1XBET, une société spécialisée dans les paris sportifs en ligne, lit-on. Ces transactions échappent à tout contrôle officiel et s’effectuent parfois en cryptomonnaies ou en devises numériques non reconnues légalement au Maroc.
Ces agents recrutent des joueurs marocains via des applications mobiles et alimentent les comptes de la société mère. Certains reçoivent directement les mises des parieurs sur leurs comptes personnels avant de transférer les fonds à l’étranger, souvent sans aucune vérification bancaire ni signalement réglementaire. Une situation qui met en lumière le manque d’efficacité des mécanismes de contrôle actuels.
Lors de la présentation du projet de loi de finances devant le Parlement, le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, a tiré la sonnette d’alarme, rappelle Al Akhbar. Il a dénoncé les activités illégales de 1XBET, affirmant que la plateforme draine des milliards de dirhams en devises et exerce une pression croissante sur les équilibres financiers du pays. Il a aussi rappelé que la Fédération royale marocaine de football a refusé tout partenariat publicitaire avec cette société, en cohérence avec la réglementation nationale sur les jeux.
Contrairement aux sociétés marocaines du secteur, comme la Marocaine des Jeux et des Sports, qui contribuent aux recettes fiscales à hauteur de 2,5 milliards de dirhams par an, 1XBET ne paie aucun impôt au Maroc et opère en toute illégalité.
Face à l’ampleur du phénomène, la Marocaine des Jeux et des Sports a déposé en novembre dernier une plainte officielle auprès du parquet contre 1XBET. Elle y dénonce une explosion des activités illégales de paris, notamment sur internet, et désigne 1XBET, dont le siège est situé à Chypre, comme l’un des principaux acteurs du marché noir des jeux de hasard au Maroc.
Le groupe socialiste à la Chambre des conseillers a également interpellé la ministre de l’Économie et des Finances par une question écrite. Il y alerte sur la prolifération des jeux de hasard numériques et des transferts illégaux de devises, appelant à un plan d’action coordonné avec Bank Al-Maghrib et le Bureau des changes pour contenir ce fléau. Le groupe réclame aussi une évaluation chiffrée des montants transférés à l’étranger au profit de ces plateformes.
Des documents divulgués par le Bureau des changes révèlent que certains individus ont transféré plus de 7 millions de dirhams vers des entreprises de paris à l’étranger. Ces flux illustrent la profondeur du phénomène, qui alimente l’économie informelle et ouvre la voie à des pratiques de blanchiment d’argent.
Pour freiner cette hémorragie, la Commission des finances de la Chambre des représentants a approuvé de nouvelles mesures fiscales: une retenue à la source de 30% sur les gains des jeux de hasard en ligne versés par des sociétés étrangères, ainsi qu’une contribution solidaire de 2% à la charge des résidents marocains qui participent à ces jeux.
Selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental, entre 28 et 33 millions de Marocains s’adonnent aux jeux de hasard, dont 40% sont exposés au risque de dépendance. Le conseil appelle à la création d’une autorité nationale indépendante pour réguler et encadrer techniquement et éthiquement le secteur des jeux et paris.