Lundi dernier, 23 juin, les opticiens diplômés du Maroc font grève pour dénoncer le désordre qui gangrène leur profession. À l’origine de leur colère: la prolifération incontrôlée de faux opticiens, souvent installés dans des zones populaires, opérant sans diplôme, sans autorisation, en toute impunité.
Selon les professionnels du secteur, il devient de plus en plus difficile d’exercer dans des conditions réglementaires face à cette concurrence déloyale.
Il existe plusieurs établissements publics qui offrent des cursus, notamment des Instituts supérieurs d’optique, en formation optique pour de bacheliers scientifiques. La formation est également dispensée par des établissements privés reconnus par l’État. Il faut compter près de 170.000 dirhams pour ces 3 ans d’études pour l’obtention du diplôme.
Les diplômés doivent entamer un long parcours administratif pour obtenir une autorisation d’ouverture, délivrée par les autorités locales après vérification du diplôme, du local, et un agrément sanitaire. Pourtant, malgré ce cadre théoriquement rigoureux, les abus se multiplient.
Il faut obtenir une autorisation d’exercer délivrée par le Secrétariat général du gouvernement. L’exercice de la profession d’opticien-lunetier et d’opticien optométriste est réglementé et nécessite un diplôme, un BTS, reconnu par l’État.
La demande d’autorisation d’exercer doit être déposée auprès de l’autorité locale compétente (wali, gouverneur, pacha ou caïd).
Le dossier doit inclure une photocopie certifiée conforme du diplôme.
«Il y aurait des établissements complices qui, selon plusieurs témoignages, accorderaient des diplômes à des personnes qui s’inscrivent mais n’assistent jamais aux cours»
Le dossier est examiné à Rabat, par le Secrétariat général du gouvernement qui vérifie la conformité de la demande aux lois et réglementations en vigueur. C’est alors que l’autorisation d’exercer est délivrée.
Chaque opticien obtient un code personnel qui lui permet de commander des verres auprès des fournisseurs, garantissant ainsi la traçabilité et la légitimité de son activité.
Malgré ce cadre réglementaire strict, des pratiques frauduleuses sont largement répandues: acheter un diplôme serait très aisé. Diplôme fourni par une ou des écoles qui forment les opticiens ou falsifié par des étrangers à ces écoles? Je ne saurais répondre à la question. C’est aux autorités de faire leur enquête. Mais selon les informations recueillies auprès d’opticiens diplômés, les faux diplômes sont très nombreux.
Une autre façon d’agir qui serait fréquente consiste à louer un diplôme: des lauréats des écoles d’optiques peuvent, abusivement, louer leurs diplômes à des commerçants désireux de s’installer en tant qu’opticiens, sans diplôme. Les procédures administratives sont effectuées au nom du détenteur du diplôme.
Une fois l’ouverture du magasin accordée par les autorités, le détenteur du diplôme s’éclipse. Il va travailler ailleurs et perçoit 4.000,00 dirhams par mois pour la location de son diplôme.
Il y aurait des établissements complices qui, selon plusieurs témoignages, accorderaient des diplômes à des personnes qui s’inscrivent, mais n’assistent jamais aux cours.
À cela s’ajoute la responsabilité (la complicité?) de fournisseurs de verres, négligents, qui n’exigent pas ou ne vérifient pas les codes des opticiens, permettant à n’importe qui de s’approvisionner.
N’importe qui peut alors ouvrir un magasin, vendre des lunettes et se procurer toutes sortes de verres.
C’est le cas de nombreux magasins qui vendent des lunettes. Ils ont l’autorisation d’un commerce de lunettes, mais non de lunettes de vue. Ils se présentent comme des opticiens alors qu’ils ne disposent ni de formation, ni d’autorisation, ni du matériel adapté. Ils vendent des lunettes de vue avec des verres progressifs ou correcteurs, sans la moindre compétence.
Résultat: une prolifération de boutiques illégitimes, notamment dans des zones populaires comme El Oulfa, Rahma, Derb Ghalef, Qoréa ou Labhira, à Casablanca.
Les clients, ignorant le danger, se font arnaquer par ces escrocs qui proposent des lunettes de vue à des prix inférieurs à ceux de vrais opticiens.
Beaucoup, par mesure d’économie, ne se font pas examiner par des ophtalmologues. Ils s’adressent directement aux opticiens qui leur proposent des lunettes censées être ajustées à leur vue! Combien tombent entre les mains de faux opticiens?
Face à cette débandade, les syndicats professionnels réclament un meilleur encadrement de la profession et un contrôle strict du marché: un renforcement du contrôle administratif, des campagnes d’inspection ciblées dans les quartiers populaires et les zones informelles, une réglementation plus stricte des écoles de formation et une vigilance accrue des fournisseurs de verre.
Mesures urgentes, car ce n’est pas seulement une question de respect des règles économiques, ni de concurrence déloyale, mais d’un véritable danger pour la santé publique.
Un faux opticien qui vend des verres inadaptés ou prescrit des corrections erronées met directement la vue des patients en danger.
Des verres mal adaptés ou des prescriptions incorrectes peuvent causer de graves troubles de la vue, voire irréversibles… surtout chez les enfants.