Effondrement d’un immeuble à Fès: chronique d’un drame annoncé, les survivants racontent

Lors des opérations de secours menées à la suite de l'effondrement d'un immeuble à Fès, dans la nuit du 8 au 9 mai 2025.

Dans la nuit du jeudi au vendredi, un immeuble vétuste s’est effondré dans le quartier Hay Al Hassani à Fès, provoquant la mort de dix personnes, dont des enfants. Au-delà du terrible bilan, ce sont les récits des survivants qui révèlent l’ampleur d’une tragédie annoncée.

Le 09/05/2025 à 19h26

Dans le calme apparent d’une soirée ordinaire à Fès, au coeur du quartier Hay Al Hassani, personne ne se doutait que la tragédie frapperait aussi vite, aussi violemment. Dans cet immeuble de cinq étages, vétuste mais encore habité, des familles vivaient au rythme du quotidien, sans imaginer que leur monde basculerait en quelques secondes.

Driss Loukili se souviendra à jamais de cette nuit. Installé chez lui avec les siens, comme à l’accoutumée, il partageait un moment en famille. Puis, soudain, le fracas. «Nous étions ensemble, tout était normal. Soudain, un bruit sourd, comme une explosion. Puis la terre a tremblé et les murs se sont effondrés sur nos têtes», raconte-t-il, les yeux encore perdus dans les décombres de sa mémoire.

Contrairement aux rumeurs, Driss confirme que les habitants avaient bel et bien été avertis que l’immeuble menaçait ruine et que les résidents devaient quitter les lieux. «Mais les voisins n’étaient pas tous d’accord pour évacuer. Or, c’était la condition sine qua non pour bénéficier d’un relogement», précise-t-il.

Par miracle, l’homme a été extrait vivant des gravats. À ses côtés, sa femme, elle aussi rescapée, mais grièvement blessée, lutte contre la douleur. «Mon corps entier me fait souffrir... Je suis restée coincée sous les débris, sans savoir si j’allais survivre», confie-t-elle d’une voix brisée.

Ces témoignages ne sont que l’écho d’un drame humain d’une rare ampleur. Car ce soir-là, dix personnes ont perdu la vie sur les lieux de la catastrophe, dont quatre enfants, trois femmes et deux hommes, selon le dernier bilan communiqué par les autorités. Le dixième décès est survenu à l’hôpital régional Al Ghassani, où les blessés avaient été transportés en urgence.

Dr Rachid Ahmouten, directeur de l’établissement de santé, a décrit une nuit d’effervescence dramatique. «Nous avons reçu huit blessés. Trois cas sont dans un état stable, et quatre autres sont toujours en train de subir des examens, mais il n’y a rien d’inquiétant grâce à la réactivité des secours et des équipes médicales», a-t-il déclaré.

Heureusement, aucune asphyxie n’a été enregistrée, un fait que le médecin attribue là aussi à l’intervention rapide des équipes de la Protection civile, arrivées sur les lieux en un temps record, et à la mobilisation sans délai du personnel soignant.

Mais au-delà des chiffres et des bilans, ce sont les visages, les silences, les larmes et les regards perdus des survivants qui racontent vraiment la tragédie. Car cette bâtisse, inscrite depuis longtemps sur la liste noire des immeubles menaçant ruine, avait déjà fait l’objet d’ordres d’évacuation. Des avertissements malheureusement ignorés.

Contactée par Le360, une source autorisée précise en l’occurrence que «l’immeuble effondré était une ancienne bâtisse à double façade, composée de plusieurs étages et abritant 13 familles: 12 propriétaires et une famille locataire». La même source souligne que cet immeuble avait déjà fait l’objet d’une expertise technique réalisée par le Laboratoire public d’essais et d’études (LPEE) en 2018, qui l’avait classé au premier degré de dangerosité.

«À la suite à cette expertise, des décisions d’évacuation ont été émises en date du 15 novembre 2018. Huit familles ont répondu favorablement à ces décisions, tandis que cinq ont refusé de quitter les lieux malgré les avertissements», apprend-on encore.

À Fès, la poussière est retombée, mais la douleur, elle, reste suspendue. Dans les couloirs de l’hôpital, dans les ruelles du quartier sinistré, et surtout dans les cœurs de ceux qui, en un instant, ont tout perdu.

Par Youssra Jaoual
Le 09/05/2025 à 19h26