«C’est comme un puzzle, ils (les Iraniens) ont les pièces et ils pourraient éventuellement un jour les mettre ensemble. Il reste du chemin à parcourir avant d’y parvenir. Mais ils n’en sont pas loin, il faut le reconnaître», a déclaré le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) dans un entretien au journal Le Monde publié mercredi.
Le chef de l’AIEA est arrivé dans la journée à Téhéran, avant de nouveaux pourparlers entre l’Iran et les États-Unis sur le programme nucléaire iranien, prévus samedi à Rome. «Il ne suffit pas de dire à la communauté internationale “nous n’avons pas l’arme nucléaire” pour que l’on vous croie. Il faut que nous puissions vérifier», a-t-il ajouté.
«Fournir des garanties crédibles»
Lors de son déplacement, Rafael Grossi a eu un entretien, qu’il a qualifié d’«important», avec le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi. «La coopération avec l’AIEA est indispensable pour fournir des garanties crédibles sur le caractère pacifique du programme nucléaire iranien à un moment où la diplomatie est devenue urgemment nécessaire», a-t-il déclaré sur X.
Abbas Araghchi a pour sa part salué jeudi sur X une «discussion utile» avec le chef de l’AIEA. «Dans les prochains mois, l’Agence peut jouer un rôle crucial dans le règlement pacifique du dossier nucléaire iranien», a-t-il souligné.
«Nous sommes disposés à faire confiance à M. Grossi dans sa mission de tenir l’Agence à l’écart de la politique et de la politisation, et de se concentrer sur son mandat technique», a ajouté le ministre iranien, jugeant que des «fauteurs de troubles se rassemblent pour faire dérailler les négociations en cours».
Le chef de l’AIEA doit avoir jeudi des discussions avec le chef de l’Organisation de l’énergie atomique d’Iran, Mohammad Eslami.
Pourparlers États-Unis/Iran
Les discussions indirectes, sous médiation omanaise, avaient été lancées le 12 avril à Mascate par le chef de la diplomatie iranienne et l’émissaire du président Donald Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff. Elles se poursuivront samedi à Rome, a indiqué mercredi la télévision d’État iranienne, une information confirmée à l’AFP par le ministère italien des Affaires étrangères.
Avant ces nouvelles discussions indirectes entre deux pays, Abbas Araghchi a affirmé que la question de l’enrichissement d’uranium n’était «pas négociable». Il semblait réagir à une déclaration de Steve Witkoff, qui a affirmé mardi que «l’Iran doit stopper son programme d’enrichissement et de militarisation nucléaires, et l’éliminer».
Pourparlers avec les Etats-Unis : l’Iran affirme que l’enrichissement d’uranium « n’est pas négociable »
— Le Monde (@lemonde.fr) 16 avril 2025 à 11:23
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Cette déclaration apparaît à rebours de ses propos tenus la veille sur la chaîne Fox News: il s’était alors abstenu de réclamer un démantèlement total du programme nucléaire iranien. «En diplomatie, un tel changement risque de compromettre toute ouverture», a fustigé sur X le porte-parole de la diplomatie iranienne, Esmaïl Baghaï.
Navette diplomatique
Abbas Araghchi est attendu jeudi en Russie pour des discussions sur le nucléaire. La Russie est l’un des membres d’un accord international sur le nucléaire conclu avec l’Iran en 2015, mais devenu caduc à la suite de la décision des États-Unis de s’en retirer en 2018. La France, le Royaume-Uni, la Chine et l’Allemagne font également partie du pacte.
Le texte prévoit la levée de sanctions internationales visant l’Iran en échange d’un encadrement de son programme nucléaire par l’AIEA. Selon cette instance, l’Iran respectait ses engagements jusqu’au retrait décidé en 2018 par Donald Trump et le rétablissement des sanctions américaines. Depuis son retour à la Maison Blanche, ce dernier appelle l’Iran à négocier un nouveau texte, mais menace de bombarder le pays en cas d’échec de la diplomatie.
Le président iranien Massoud Pezeshkian a dit mercredi souhaiter «conclure» un accord avec les États-Unis autour du programme nucléaire. Mardi, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, ultime décideur sur les questions stratégiques, a salué les discussions en cours, mais s’est dit sceptique sur leur issue.
L’Iran est le seul État non doté d’armes nucléaires à enrichir de l’uranium à un niveau élevé (60%), proche des 90% nécessaires à la fabrication de l’arme atomique, tout en continuant à accumuler d’importants stocks de matière fissile, selon l’AIEA. L’accord de 2015 plafonnait ce taux à 3,67%.