Algérie: sans fin, les purges au sein de l’armée font tomber le chef de la gendarmerie

Le général Yahia Ali Oulhadj (à droite).

Depuis lundi dernier, le général-major Yahia Ali Oulhadj n’est plus le chef du commandement de la gendarmerie algérienne. Il a été limogé brutalement, en attendant que son tombeur, le chef d’état-major et ministre délégué à la Défense, le général Said Chengriha, installe officiellement son remplaçant. Ce nouveau changement brusque à la tête de la gendarmerie est une preuve supplémentaire que dans le haut commandement de l’armée algérienne, qui a connu quatre limogeages ces cinq derniers mois, les règlements de compte sont la règle.

Le 17/04/2025 à 08h00

Selon plusieurs sources algériennes concordantes, le général-major Yahia Ali Oulhadj a été limogé lundi dernier de ses fonctions de chef du commandement de la gendarmerie algérienne, un poste qu’il occupe depuis août 2021. Le nom de son remplaçant, qui serait le général Sid’Ahmed Berrounmana, a même été avancé.

Ce limogeage peut paraître surprenant quand on sait que Yahia Ali Oulhadj a toujours été présenté comme l’un des hommes de main les plus fidèles au général Said Chengriha, actuel chef d’état-major de l’armée algérienne et ministre délégué auprès du ministre de la Défense.

D’ailleurs, l’on se rappelle que Guermit Bounouira, boîte noire de l’armée algérienne pour avoir été durant plusieurs années le secrétaire particulier de l’ancien chef d’état-major, feu Gaid Salah, avait cité, dans ses déballages, Yahia Oulhadj comme l’homme à travers lequel Said Chengriha, du temps où il était chef de la 3ème région militaire à Béchar, pratiquait un trafic florissant en tous genres. Mieux, depuis sa nomination à la tête de la gendarmerie, Oulhadj a été «gâté», car régulièrement promu à un grade supérieur ou décoré par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, à chaque célébration de la fête de l’indépendance du pays.

Reste maintenant à savoir si le général Oulhadj va, ou non, subir le sort de la plupart des généraux tombés en disgrâce, à savoir être arrêté, entendu par les enquêteurs du Centre de Beni Aknoun, retenu dans le centre Antar, puis transféré à la prison militaire de Blida où croupissent déjà d’ex-hauts responsables de l’armée et des services de renseignement du pays. L’Algérie est le pays qui compte le plus de hauts gradés incarcérés au monde. Le nombre des généraux derrière les barreaux dépasse 50. Parmi lesquels plusieurs patrons de la gendarmerie algérienne: les généraux Menad Nouba et Abderrahmane Arrar. Sans parler de Ghali Belkecir qui est en fuite à l’étranger.

Le limogeage de Yahia Ali Oulhadj n’est donc qu’un nouvel épisode de la purge permanente –systémique– qui ne cesse de décimer le commandement de l’armée algérienne, et qui a connu un regain sans précédent depuis la prise en main de l’armée par le général Said Chengriha, qui s’est particulièrement montré intraitable avec ses adversaires au sein de la grande muette. À lui seul, il a envoyé des dizaines de généraux en prison entre 2020 et 2024.

Rien que depuis son entrée au gouvernement en septembre dernier, en tant que ministre délégué auprès du ministre de la Défense, le général Said Chengriha a déjà limogé quatre généraux. Le 19 septembre 2024, il a écarté le général Amar Athmania, chef de l’armée de terre, qui était dans son viseur depuis qu’on a prêté à ce dernier l’ambition de briguer le poste de chef d’état-major de l’armée.

Au mois de janvier 2025, c’est au tour du plus vieux général encore en exercice à travers le monde, à savoir le quasi centenaire Ben Ali Ben Ali, également l’officier le plus gradé de l’armée algérienne, d’être mis à la retraite par Chengriha. Désormais, avec le départ de ce dernier Mohican, l’armée algérienne ne compte plus d’ancien Moudjahid en son sein et Chengriha devient ipso facto le seul général de corps d’armée à bord.

En plus de ces deux «ennemis» dont il s’est finalement débarrassé, Chengriha se tourne maintenant vers ses amis. Bien avant Ali Oulhadj, qui était également son complice dans les exactions durant la guerre civile de la décennie noire des années 90, Chengriha a auparavant limogé, le 23 février 2025, le chef des forces aériennes de défense, le général Mahmoud Laaraba, jusqu’ici présenté comme un «ami» de Chengriha.

Les règlements de compte sans fin au sein de l’armée algérienne apparentent cette dernière à un conglomérat de gangs. Ils fragilisent la chaîne de commandement et terrorisent les officiers supérieurs qui savent que le chemin le plus sûr dans l’armée algérienne conduit à la taule ou à l’exil. Et dire que les journaux à la solde de cette armée passent leur temps à se gausser des juntes au pouvoir dans les pays du Sahel. Au moins, les officiers de ces pays n’exercent pas avec la peur au ventre et ne s’entretuent pas entre eux.

À la première épreuve, l’armée algérienne, vermoulue par ces interminables guerres intestines, risque de révéler un désastre.

Par Mohammed Ould Boah
Le 17/04/2025 à 08h00