Longtemps considéré comme un acteur majeur de l’amont textile au Maroc, Settavex semble aujourd’hui s’enfoncer dans une crise profonde, peut-être irréversible. Si les signaux d’alerte s’étaient multipliés au cours des dernières années, la situation actuelle de la filiale marocaine du groupe espagnol Tavex frôle désormais l’agonie industrielle, indique le magazine hebdomadaire Challenge.
En 2023 déjà, plusieurs fournisseurs marocains et étrangers avaient tiré la sonnette d’alarme, dénonçant des retards de paiement récurrents, parfois de plusieurs mois. Ces dysfonctionnements avaient gravement affecté la trésorerie de nombreux partenaires et semé le doute quant à la viabilité du modèle économique de l’entreprise.
Mais la situation semble aujourd’hui s’être nettement détériorée. Selon nos informations, le Tribunal de commerce a récemment ordonné les premières saisies sur les biens de la société, signe tangible d’une dérive financière incontrôlée. Dans les ateliers de production, les perturbations sont légion. Certaines lignes sont à l’arrêt, des coupures d’électricité entravent le processus industriel, et l’activité tourne désormais au ralenti, lit-on.
Cette spirale descendante fait planer une lourde incertitude sur le sort des quelque 500 salariés que compte l’usine, spécialisée dans la fabrication de tissus, notamment le denim, pour le marché local et international. Ces ouvriers, dont beaucoup exercent dans la région depuis des décennies, craignent aujourd’hui pour leur emploi, dans un contexte social et économique déjà tendu.
Plus préoccupant encore: aucun plan de sauvetage, ni signe d’intervention concret de la maison mère espagnole, ne semble se dessiner à l’horizon. Au contraire, les critiques se multiplient à l’encontre de Tavex. Plusieurs sources proches du dossier accusent le groupe de pratiques financières opaques et potentiellement préjudiciables pour l’unité marocaine.
Des soupçons pèsent en effet sur un possible transfert de valeur entre Settavex et d’autres entités européennes du groupe. Selon des parties prenantes, Tavex aurait mis en place un mécanisme de facturation interne qui réduirait artificiellement la marge réalisée par Settavex, au profit de sociétés intermédiaires situées en Europe, positionnées entre l’usine marocaine et les clients finaux. Une stratégie qui, si elle est avérée, aurait contribué à l’asphyxie progressive de la filiale marocaine, tout en préservant les intérêts financiers du groupe à l’échelle internationale, lit-on encore.
Cette situation soulève de nombreuses questions sur la gouvernance de Tavex et sur le cadre réglementaire encadrant les relations entre les filiales marocaines et leurs maisons mères étrangères. Elle relance également le débat sur la vulnérabilité des industries locales, souvent dépendantes de décisions prises à l’étranger, loin des réalités du terrain.
Autrefois symbole d’un textile marocain ambitieux et intégré, Settavex semble aujourd’hui incarner les dérives d’un modèle globalisé qui peine à protéger ses maillons les plus fragiles. À moins d’un sursaut de dernière minute, le spectre d’une fermeture pure et simple se précise.