Un navire, une histoire: tout savoir sur le «Belem», dernier trois-mâts français encore en activité

Le Belem, dernier trois-mâts historique français sur le quai du Bouregreg à Rabat. (A.Gadrouz/Le360)

Le 10/05/2025 à 14h00

VidéoAprès une première escale à Rabat, sur le quai du Bouregreg, le Belem, le plus mythique des trois-mâts français, fait escale au port de Tanger Ville les 10 et 11 mai. Classé monument historique, ce navire centenaire, toutes voiles dehors, se dévoile au grand public le temps d’un week-end, à l’occasion de visites guidées, gratuites, spécialement organisées.

Le Belem, légende flottante de la marine française, accoste au port de Tanger Ville pour une escale les 10 et 11 mai. Les chanceux, ayant préalablement assuré leur place à bord pour visiter le navire, pourront revivre l’âge d’or de la marine à voile.

Le Belem est un survivant des océans. Construit en 1896 sur les rives de la Loire, il fend encore aujourd’hui les vagues avec la majesté des grands du passé. À Tanger, il offrira aux curieux et aux passionnés de mer qui le visiteront une parenthèse d’histoire vivante. Dans le port, sa silhouette détonne: 22 voiles, un enchevêtrement de cordages et du bois ancien verni, d’une longueur de 58 mètres, et 9 de large.

Quatre vies, un seul souffle

Le Belem a traversé les âges comme on parcourt les océans: avec résistance et grâce. Il est d’abord né pour le commerce, armé par les chocolateries Menier. À l’époque, il transporte des cargaisons de cacao depuis le port brésilien de Belém, dont il tire son nom, jusqu’en Europe. Il a ainsi effectué pas moins de 33 campagnes transatlantiques jusqu’en 1913.

Puis vient le temps du luxe. En 1914, il change de main et devient le yacht du duc de Westminster. Rebaptisé «Fantôme II» par son nouveau propriétaire Sir Arthur Guinness, héritier de la célèbre brasserie, il embarque pour un tour du monde entre 1923 et 1924, offrant aux dames de l’époque un boudoir à bord, aujourd’hui devenu la salle à manger des officiers.

Après les guerres, une nouvelle vie commence à Venise. Le trois-mâts est alors transformé en navire-école pour les orphelins de la marine italienne. Il porte le nom de Giorgio Cini, en hommage au fils du fondateur de la Fondation Cini, mort en mer. Il devient le berceau d’une jeunesse en apprentissage, entre rigueur et espoir.

Enfin, en 1979, le navire rentre définitivement au bercail en France. La Caisse d’Épargne le rachète et crée la Fondation Belem, dédiée à sa préservation. Restauré, regréé, le voilier hisse à nouveau les couleurs françaises. Classé monument historique en 1984, il reprend la mer. Pas comme une relique, mais comme un navire vivant, transmis et partagé.

Un navire, une mission

Aujourd’hui encore, le Belem sillonne les mers, emporté par le vent et porté par un équipage de 16 marins professionnels issus de la marine marchande. À bord, chacun a sa place: capitaines, lieutenants, cuisiniers, gabiers… Tous partagent un objectif: faire naviguer le trois-mâts, entretenir son âme, et transmettre aux générations sa flamme.

Le Belem est aussi une école. À chaque saison, une quarantaine de marins se relaient pour initier les volontaires à la navigation traditionnelle. Nul besoin d’être marin chevronné: embarquer, c’est apprendre, c’est participer aux manœuvres, hisser les voiles, veiller la nuit, partager les repas dans la batterie, ce vaste espace de vie où 48 personnes dorment, mangent et échangent autour d’une longue table en bois.

Un musée vivant sur les flots

Visiter le Belem, c’est pénétrer dans un monde suspendu dans le temps. Le grand roof accueille les navigants pour des séances d’instruction en mer, mais aussi les visiteurs lors des escales. On découvre les bannettes où dorment les apprentis matelots, le salon du capitaine, l’atelier du charpentier, le grand escalier en bois verni. Chaque recoin raconte une histoire, chaque planche conserve la mémoire de ceux qui ont vécu à bord.

Ce navire a tout vu, tout traversé: un incendie évité de justesse, les bombardements de deux guerres, un tremblement de terre au Japon, l’éruption de la montagne Pelée… Et pourtant, il vogue encore.

Ambassadeur de la mer et de l’histoire

Le Belem ne cesse de représenter la France dans les grands événements maritimes: New York en 1986 pour le centenaire de la Statue de la Liberté, Québec en 2008, Londres en 2012 pour le jubilé d’Élisabeth II, et tout récemment, en 2024, il a transporté la Flamme olympique d’Athènes à Marseille pour les Jeux de Paris.

À Tanger, comme ce fut le cas à Rabat, le Belem s’arrête le temps d’un week-end pour raconter son histoire. Les enfants rêvent devant les voiles immenses et les anciens retrouvent la nostalgie des bateaux de jadis.

Par Ryme Bousfiha et Adil Gadrouz
Le 10/05/2025 à 14h00